
Les hommes suédois ont récemment fait l'actu en annonçant leur intention, si le bermuda leur était interdit au travail, de rappliquer au boulot en jupe. Après le pipi assis, la "nouvelle fantaisie" des hommes suédois, fait ici volontiers ricaner. Sauf l'association Hommes en Jupe et d'autres groupes masculins qui réclament le bon droit à porter le vêtement ouvert sous les cuisses, à l'instar des femmes.
Le sens de leur revendication est pluriel : le confort (il est vrai que par temps chaud, avoir les jambes à l'air rend plus légèr-e), l'accès à la variété vestimentaire (pourquoi ne pas jouir, comme les femmes, de toutes les modalités et de tous les plaisirs de la mode et du prêt-à-porter?) et l'égalité femmes/hommes (n'est-ce pas une discrimination contre les hommes que de leur interdire le port de certains vêtements, au travail, notamment?).
Sur ces trois points, la conférence de l'historienne Christine Bard, "Ce qui se cache sous la jupe des filles... Et des garçons", à laquelle j'ai pu assister, m'a beaucoup éclairée.
La jupe est-elle confortable?
La question du confort, d'abord.
La jupe est-elle si confortable? Certes, elle l'est en apparence plus que le costume trois-pièces par temps de canicule.
Mais l'est-elle dans le métro ou à la terrasse d'un café où elle contraint à se tenir genoux serrés ou jambes croisées?
L'est-elle pour faire du sport, comme on a encore récemment voulu l'imposer aux handballeuses, et il y a quelques années aux boxeuses et aux joueuses de badminton afin (sic) "d'attirer plus de public" au spectacle sportif féminin ?


La "grande renonciation" des hommes à la jupe

La jupe est belle. Surtout, la jupe m'autorise à varier ma tenue : je la porte si j'en ai envie, mais je peux aussi si je préfère, l'échanger contre un pantalon. C'est à ma guise. Une liberté que m'accorde la tombée en désuétude de l'ordonnance de 1800 (puis sa récente abrogation) qui interdisait aux femmes le port du pantalon dans l'espace public.
C'est une liberté dont ne jouissent pas à l'identique les hommes. Le corps social (et aussi le plus souvent le règlement intérieur de l'entreprise dans laquelle ils travaillent) les en empêche.

La suite de l'histoire montrera qu'émancipation des femmes, avènement du prêt-à-porter et libéralisation des moeurs autoriseront de fait le pantalon aux femmes. Mais pas aux hommes de retrouver la robe. Les voilà toujours condamnés à ce costume masculin, invariable, rigide et sombre, solidement protégé par l'hétéronormativité.

La jupe, porte-drapeau de l'égalité?

Le terrain est fertile mais glissant : de la juste exigence de mixité (qu'hommes et femmes aient ensemble les mêmes droits dans l'espace public) à la mauvaise foi masculiniste (qui instille l'idée que les femmes auraient des "privilèges" discriminants pour les hommes), il ne peut y avoir qu'un pas.
Pour ne le pas franchir, il faut d'abord de l'honnêteté et ensuite de la volonté affirmée de défendre les droits des hommes avec ceux des femmes, les droits des hommes et des femmes, les droits de tout être humain à être ce qu'il veut et à se présenter en société comme il le désire, quel que soit son genre.
Vous avez dit "tenue correcte" exigée?

Résolument pour! Pour une jupe libre et optionnelle comme l'est le pantalon. Pour les hommes comme pour les femmes.
Pour une banalisation de la jupe pour tous, ne serait-ce que pour que le signe de la neutralité vestimentaire ne soit plus le seul pantalon, référent masculin s'il en est.
Pour une transgression des codes, enfin, capable de mettre en jeu la notion de "tenue correcte exigée", celle-là même qui fait définitivement échouer l'idéal d'égalité sociale des Révolutionnaires qui ont voulu s'approprier le pantalon.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire