vendredi 12 octobre 2012

Nobel. Mais à quoi servent les fameux prix?

Après les Prix Nobel de médecine (John B. Gourdon et Shinya Yamanaka) lundi, celui de physique (Serge Haroche et David J. Wineland) mardi, de chimie (Robert Lefkowitz et Brian Kobilka) mercredi, de littérature (Mo Yan) jeudi et de la paix (Union Européenne) ce vendredi, faisons un arrêt obligatoire pour nous interroger sur sa pertinence et son bien fondé. Près de 830 distinctions ont été décernées depuis sa création en 1901. Mais à quoi servent ces précieux sésames, dotés chacun d’environ 930 000 € ?

Par Antoine VICTOT.


L’âge des Nobel
Sans faire preuve de « jeunisme », on peut se demander s’il est bien raisonnable d’attribuer les 8 millions de couronnes suédoises (environ 930 000 €) récompensant un Prix Nobel à des lauréats parfois d’âge avancé, et bien souvent très longtemps après leurs travaux et découvertes. D’autant qu’ils n’ont pas l’obligation de reverser leur prix à un laboratoire de recherche.
Pareille somme serait sans doute plus utilement employée si elle allait à de jeunes chercheurs ou des organisations scientifiques en devenir, ayant besoin de financement.
À 90 ans, l’Américain d’origine russe Leonid Hurwicz, prix Nobel d’Économie 2007, a été le lauréat le plus âgé. Décédé en juin 2008, il n’aura survécu que quelques mois à l’attribution de ce prix.
Utilité économique et culturelle
S’interroger sur l’utilité des Prix Nobel scientifiques revient à se questionner sur l’utilité de la recherche fondamentale. C.H. Llewellyn Smith, ancien directeur général du CERN, l’un des plus prestigieux laboratoires scientifique (5 Prix Nobel de physique) rappelle l’importance de la science fondamentale « économiquement et culturellement », notamment parce qu’elle sert de tremplin à de nombreuses innovations.
Sans oublier qu’une fois couronné, un Nobel a de grandes chances de parcourir le monde et donc de rencontrer les têtes les mieux faites de la planète. « En s’enrichissant du contact des uns et des autres, ils peuvent devenir l’huile qui va faire mieux tourner les rouages de la science », note le blogueur scientifique Enro.
Pouvoir d’influence
C’est aussi un moyen de jouer de son influence. Le tout récent Nobel de physique français Serge Haroche espère par exemple « œuvrer à rendre la recherche moins bureaucratique » souhaitant qu’en France« le niveau des salaires suive un peu ce qui se fait à l’étranger, il est important d’avoir un environnement scientifique de haut niveau pour les ambitions du pays. » Lorsque c’est un Prix Nobel qui dit ça, il peut espérer être entendu.
Un Nobel de lutte
Pour les Nobel de la Paix, le prix peut constituer une forme de protection ou d’encouragement à la lutte. Trois lauréats étaient en prison lorsque leur distinction a été annoncée : le pacifiste et journaliste allemand Carl von Ossietzky (1935) ; l’opposante birmane Aung San Suu Kyi (1991) et le dissident chinois Liu Xiaobo (2010). 21 ans après, Aung San Suu Kyi est venu chercher son prix Nobel à Oslo le 16 juin 2012.
La cote du Dalaï-lama auprès des autorités chinoises n’a, elle, pas explosé en 1989, après son Nobel. L’Iranienne Chirin Ebadi, lauréate en 2003 est en exil depuis 2009 et vit « 300 jours par dans les aéroports »de peur des représailles. Quant à Andrei Sakharov, son prix Nobel ne l’a pas empêché d’être surveillé par le KGB.
Des Nobels contestés et contestables
À l’inverse, en 1973, Henry Kissinger, secrétaire d’État américain, est récompensé pour l’accord de paix mettant fin à la guerre du Vietnam. La même année, il a été impliqué dans l’organisation d’un coup d’Etat au Chili qui a mis au pouvoir Augusto Pinochet.
Idem pour Barack Obama, récompensé en 2009, année où il renforça historiquement le contingent américain en Afghanistan (30 000 hommes).

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