jeudi 18 octobre 2012

Le bénéfice de la greffe d'organe est aussi économique


Chaque greffe de rein fait économiser 60.000 euros par an à la collectivité.Sans compter les avantages pour les milliers de malades receveurs.

Par damien Mascret

La question est directe: «Savez-vous que vous pouvez sauver des centaines de vies et économiser 9,6 milliards d'euros?» Elle est posée au président de la République sous forme d'une lettre ouverte, à l'occasion de la Journée mondiale du don d'organes et de la greffe. La fondation Greffe de vie, à l'initiative de l'apostrophe, a en effet calculé que le pays pourrait économiser jusqu'à 9,6 milliards d'euros sur quatorze ans (durée de vie moyenne du greffon), si l'on parvenait à baisser d'un tiers le taux de refus de prélèvement d'organes et à porter à 25 % du total des greffes la part des greffes avec donneur vivant. Le calcul de la Fondation est basé sur le fait que le coût d'une transplantation rénale est équivalent au coût d'une année de dialyse mais que la greffe permet d'économiser 67.000 euros les années suivantes. «Sans compter, ajoute son président, Jean-Pierre Scotti, que la greffe sauve des vies et améliore la qualité de vie de milliers de personnes.»

Plan greffe 2012-2016

Le chiffre de 9,6 milliards d'euros peut sembler considérable, il n'en est pas moins exact. «Avec une estimation minimale, nous avons calculé qu'une greffe de rein faisait économiser 600.000 euros sur dix ans», confirme au Figaro, Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice de l'Agence de biomédecine, en ligne avec l'estimation de la fondation Greffe de vie. La suprématie économique de la greffe sur la dialyse est tellement évidente que «s'engager de façon déterminée dans la dialyse est une impasse pour les finances d'un pays», poursuit Mme Prada-Bordenave. Problème: le nombre de donneurs en état de mort encéphalique stagne autour de 3000 depuis 2007, alors que plus de 16.000 personnes sont en attente de greffe.
Car si beaucoup de gens acceptent facilement l'idée de devoir, peut-être un jour, recevoir un organe, ils envisagent moins facilement de donner éventuellement les leurs. Le taux de refus de prélèvement d'organes est d'environ 32 % lorsque l'on interroge les proches d'un donneur potentiel. Le principe «d'accord pour recevoir, d'accord pour donner», devrait pourtant guider la réflexion de chacun, estime Jean-Pierre Scotti.
La loi prévoit que le prélèvement d'organes peut être pratiqué si l'on n'a pas exprimé son refus, de son vivant, notamment en s'inscrivant dans le registre national de refus. Environ 85.000 personnes s'y sont effectivement enregistrées, et 124 refus ont été ainsi déclenchés depuis 1998. Mais ce sont les proches qui peuvent témoigner du souhait de donner de la personne décédée, aussi est-il déterminant de leur faire part, de son vivant, de sa volonté.
Pour pallier le nombre insuffisant de donneurs, l'Agence de biomédecine a placé le développement de la greffe, essentiellement de rein et dans une moindre mesure de lobe de foie, parmi ses quatre priorités stratégiques des années 2011-2013. Une ambition que l'on retrouve dans le plan greffe 2012-2016 lancé en mars dernier par Nora Berra et Xavier Bertrand. Il est vrai que les greffes à partir de donneurs vivants ne représentent pour l'instant que 10 % du total des greffes de rein alors que, dans certains pays comme la Scandinavie, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, la proportion est de 40 à 50 %. «Historiquement, la France a développé très tôt les greffes vitales, donc à partir de donneurs décédés, d'où le retard pris s'agissant des donneurs vivants. Or, les deux doivent être développées de concert», explique Emmanuelle Prada-Bordenave.

Disparités régionales

Plus étonnant, selon elle, les disparités régionales en matière de taux de refus de don d'organes en cas de mort cérébrale d'un proche. «Le zéro refus est illusoire, concède-t-elle. Mais comment accepter que certains secteurs parviennent à des taux de refus de moins de 10 % alors que d'autres sont au-dessus de 45 %!» L'information, encore. Laure fait partie des 49.000 porteurs d'un greffon aujourd'hui en France: «Je devrais être morte depuis vingt ans, glisse-t-elle le sourire aux lèvres, C'est vraiment une grâce d'avoir pu être greffée. Un cadeau extraordinaire.» À 71 ans, Laure croque aujourd'hui la vie à pleines dents. Comme elle, près de 3000 personnes bénéficient chaque année d'une greffe de rein dans notre pays. C'est trois fois plus que les greffes de foie et, à eux seuls, les deux organes représentent 83 % des greffes annuelles. Viennent ensuite les greffes de cœur (400 par an environ) et les greffes de poumons (autour de 300).
Annick, mère de deux adolescents, avait 43 ans lorsque sa vie a basculé en trois mots: cirrhose biliaire primitive, une grave maladie auto-immune: «Ça m'est tombé dessus brutalement!», raconte-t-elle. Les médicaments ralentissent un temps l'évolution puis, du jour au lendemain, elle qui n'avait jamais réfléchi au don d'organes, se retrouve sur une liste d'attente. Elle devra patienter encore un an avant d'être greffée, «à l'extrême limite», murmure-t-elle. Après trois secondes de silence, elle reprend d'une voix plus assurée, «Je remercie chaque jour le donneur que je ne connais pas de m'avoir permis de continuer à vivre. C'est extraordinaire une vie prolongée.»
L'an dernier, faute de donneurs suffisants, 216 personnes ont attendu en vain le coup de téléphone salvateur leur annonçant qu'ils allaient être greffés.

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