jeudi 25 octobre 2012

L’alcool nuit à la sexualité

Les effets de l’alcoolisme chronique sur la fonction sexuelle sont réels. Les troubles de la sexualité sont en général consécutifs à d’autres pathologies.

Par Laurence Dardenne

Pour son XVIe symposium, qui se déroulera ce samedi à Bruxelles (1), le Centre de pathologie sexuelle masculine (CPSM) de l’UCL a choisi pour thème : "Alcool et (dys)fonctions sexuelles", aspects médicaux, sexologiques, éthiques et sociologiques.
Pourquoi ce choix ? "Le CPSM est un centre multidisciplinaire , nous répond le Pr Reinier-Jacques Opsomer, coordonnateur du CPSM, il regroupe des sexologues, gynécologues, urologues, dermatologues, endocrinologues, psychologues et sexologues. Il prend donc en charge tous les aspects de la sexualité de l’homme, surtout, mais aussi de plus en plus de la femme. Un précédent symposium qui avait pour thème ‘tabac et dysfonctions sexuelles’ avait eu beaucoup de succès. D’où l’idée d’aborder une autre assuétude en lien avec les troubles sexuels. Peut-être l’an prochain nous intéressons-nous aux addicts à Internet "
Est-ce un problème très répandu ? "Oui, l’alcool touche à ce niveau aussi bien les hommes, avec les troubles de l’érection, que les femmes, au niveau de la reproduction et de la grossesse, nous dit l’urologue. Les jeunes aussi sont concernés, de même que les couples âgés d’ailleurs. En Belgique, on considère que 5 % de la population est alcoolique, avec des répercussions sur la sexualité, à terme."
Quelles sont-elles ? "Si l’on se concentre sur la fonction sexuelle , il faut distinguer les troubles liés à la consommation excessive aiguë d’alcool et la consommation chronique. Dans le premier cas, l’exemple typique est le jeune adulte qui fait une guindaille et qui ne parvient pas à avoir un rapport sexuel ce soir-là avec sa copine. On parle d’un trouble aigu de la fonction sexuelle; c’est en général banal, il suffira de le rassurer
Mais il y a aussi les effets de l’alcoolisme chronique. Il s’agit ici d’une tout autre problématique, s’agissant d’hommes et de femmes qui boivent depuis des années et qui, de ce fait, détériorent leurs fonctions hépatique et nerveuse, notamment, avec, à terme, des répercussions sur leur fonction sexuelle. L’alcool détériore aussi considérablement la fonction de reproduction, chez l’homme, mais également et même surtout chez la femme. Chez les alcooliques chroniques, les troubles de la sexualité suivent en quelque sorte les autres troubles."
En l’occurrence ? "Ces personnes souffrent généralement de polynévrite, qui est une atteinte des nerfs périphériques. Ou alors d’une atteinte au niveau du foie, qui se manifestera par une cirrhose. En outre, l’alcool altère les fonctions cognitives. La dysfonction sexuelle d’origine alcoolique est donc multifactorielle : elle peut être d’origine neurologique par la polynévrite; elle peut être due à l’hypogonadisme, c’est-à-dire l’atteinte de la fonction endocrinienne - au niveau du cerveau et des testicules - qui, elle, est secondaire à la cirrhose. Ces personnes ont donc une diminution de la libido et de la capacité érectile."
Il y a également toute la dimension psychologique. "En effet, les alcooliques étant la plupart du temps sous antidépresseurs, ces médications jouent également un rôle sur la fonction sexuelle."
Alors à partir de quelle consommation y a-t-il danger ? "On considère qu’une unité correspond à 12 ou 13 g d’alcool, ce qui revient à un verre de bière ou de vin. En-dessous de 2 unités par jour, il n’y a aucun problème. A partir de quatre unités quotidiennes, on considère que la personne est potentiellement à risque. Au-delà de 60 g par jour, il y a abus. On parle d’alcoolisme. Je pose donc systématiquement la question à mes patients qui sous-estiment généralement leur consommation. En général, on peut pratiquement la mutilplier par deux par rapport à ce qu’ils affirment "
Avec des conséquences sur le plan sexuel à quel terme ? "Les implications à ce niveau n’arrivent pas au bout de deux mois, assure le Pr Reinier-Jacques Opsomer. Il faudra attendre cinq, voire dix ans pour voir apparaître ces troubles de la sexualité. Cela étant, il n’y a pas que les conséquences organiques. Il faut aussi prendre en compte toutes les implications sur la vie de couple, notamment. L’alcoolique détruit non seulement son foie et son organisme en général, mais également tout son tissu social et familial."
(1) Le symposium qui se déroulera ce samedi 27 octobre sur le site de la faculté de médecine de l’UCL, à Bruxelles, s’adresse exclusivement aux professionnels de la santé. Il réunira des psychiatres, gastro-entérologues, obstétriciens et urologues. Il y sera question du phénomène de dépendance, des troubles induits par l’alcool, des aspects thérapeutiques et de prévention.

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